Introduction
Si on sait que dans la nature, les poulains arrêtent de téter leur mère vers 9 mois, leur lien peut persister jusqu’à un an et demi, voire deux ans et demi. Or, en conditions d’élevage, il est courant de sevrer les poulains entre 5 et 7 mois. Mais ce sevrage artificiel a-t-il un impact sur ce lien qui lie les jeunes à leur mère ?
Cette étude veut établir si les poulains sevrés artificiellement en élevage se souviennent encore de leur mère 5 mois après la séparation. Pour tenter de répondre à cette question, se rapprocher au mieux de leur perception des choses, on cherche à savoir s’ils ont une préférence pour elle par rapport à une jument familière de leur groupe natal.
Méthode
Déroulement
Un groupe de 34 poulains Welsh (15 pouliches et 19 poulains) sont impliqués dans l’étude. Ils sont sevrés artificiellement à environ 7 mois et ensuite séparés complètement du troupeau des juments (mère et juments familières). Ils sont ensuite remis en contact avec les juments 5 mois plus tard, pour observer si les jeunes vont préférentiellement se rapprocher de leur mère plutôt que d’une autre jument.
Dispositif de la zone de test

Au moment du test, les deux juments (la mère du poulain testé et une autre jument familière) sont menées en main dans leur enclos. Pour standardiser le test, les juments sont attachées à la barrière commune avec l’enclos de test des poulains afin qu’elles leur fassent toujours face. Les barrières permettent un contact physique entre le poulain et les juments. Le poulain est immédiatement mené en liberté vers la zone de test. Le test démarre immédiatement à son arrivée et dure 180 secondes.
Tout le test est enregistré par 3 caméras.
Divers paramètres sont pris en compte :
- Première jument approchée
- Temps passé dans les deux zones de contact (les deux antérieurs dans la zone)
- Temps passé à sentir chaque jument
- Temps passé à snapper chaque jument
- Nombre de regards vers chaque jument
Les juments sont toutes passé deux fois, une fois en tant que mère et une fois en tant que jument familière, et cela, de façon aléatoire.
Résultats
Dans un premier temps, les données sont analysées sans distinction du sexe des poulains.
La première jument approchée par ¾ des poulains a été leur propre mère (p<0.01) et cela même quand on distingue les pouliches (p = 0.04) et les poulains séparément (p = 0.02). Ils ont senti leur mère plus longtemps que la jument familière (p = 0.01) et ont lancé plus de regards à leur mère.
De manière plus spécifique, le comportement des pouliches a été plus marqué que ceux des poulains : regards plus fréquents vers la mère, exploration olfactive plus longue, plus de temps passé à proximité.
Discussion
Les poulains sevrés artificiellement choisissent leur mère en premier, et la sentent plus longtemps que la jument familière : les auteurs concluent qu’ils font la différence entre les deux adultes, et montrent une préférence envers leur mère. C’est donc qu’ils la reconnaissent, même 5 mois après la séparation !
Cela montre que les chevaux ont une mémoire à long terme pour reconnaître leurs congénères et suggère que le lien mère/poulain reste fort, particulièrement chez les pouliches. Ce lien particulier entre mère et fille est également retrouvé chez les brebis. Les scientifiques relient cela au fait que dans les groupes sociaux, les femelles bénéficient plus longtemps de l’apprentissage social de leur mère.
Pour conclure, les auteurs se posent la question de la pertinence d’un sevrage artificiel (prématuré) à 5-7 mois comme il est couramment pratiqué en élevage.
NDLR : ce questionnement semble un peu en décalage par rapport aux résultats de l’étude. En effet, les scientifiques n’ont pas comparé différentes durées de sevrage entre elles, mais ont testé la mémoire sociale des poulains.

