Les poulains sevrés, particulièrement les femelles, préfèrent encore leur mère après cinq mois de séparation

Auteurs et date de l’article scientifiqueLansade et al, 2022
Date de publication du résumé10 novembre 2025

Une jument et son poulain en train de brouter dans une prairie avec la mer au loin.

Introduction

Si on sait que dans la nature, les poulains arrêtent de téter leur mère vers 9 mois, leur lien peut persister jusqu’à un an et demi, voire deux ans et demi. Or, en conditions d’élevage, il est courant de sevrer les poulains entre 5 et 7 mois. Mais ce sevrage artificiel a-t-il un impact sur ce lien qui lie les jeunes à leur mère ?

Cette étude veut établir si les poulains sevrés artificiellement en élevage se souviennent encore de leur mère 5 mois après la séparation. Pour tenter de répondre à cette question, se rapprocher au mieux de leur perception des choses, on cherche à savoir s’ils ont une préférence pour elle par rapport à une jument familière de leur groupe natal.

Méthode

Déroulement

Un groupe de 34 poulains Welsh (15 pouliches et 19 poulains) sont impliqués dans l’étude. Ils sont sevrés artificiellement à environ 7 mois et ensuite séparés complètement du troupeau des juments (mère et juments familières). Ils sont ensuite remis en contact avec les juments 5 mois plus tard, pour observer si les jeunes vont préférentiellement se rapprocher de leur mère plutôt que d’une autre jument.

Dispositif de la zone de test

Figure 1. Plan de la zone de test. Au moment du test, les deux juments (la mère du poulain testé et une autre jument familière) sont menées en main dans leur enclos. Les barrières permettent un contact physique entre le poulain et les juments. Le poulain est immédiatement mené en liberté vers la zone de test. Le test démarre immédiatement à son arrivée et dure 180 secondes.
Figure 1. Plan de la zone de test. ____ représente les barrières; - - - - - - représente les lignes tracées au sol. “Mère”: Mère du poulain testé ; “Jument familière”: poulinière du groupe d’élevage (mère d’un autre poulain ; connue par le poulain testé).

Au moment du test, les deux juments (la mère du poulain testé et une autre jument familière) sont menées en main dans leur enclos. Pour standardiser le test, les juments sont attachées à la barrière commune avec l’enclos de test des poulains afin qu’elles leur fassent toujours face. Les barrières permettent un contact physique entre le poulain et les juments. Le poulain est immédiatement mené en liberté vers la zone de test. Le test démarre immédiatement à son arrivée et dure 180 secondes.

Tout le test est enregistré par 3 caméras.

 Divers paramètres sont pris en compte : 

  1. Première jument approchée
  2. Temps passé dans les deux zones de contact (les deux antérieurs dans la zone)
  3. Temps passé à sentir chaque jument
  4. Temps passé à snapper chaque jument
  5. Nombre de regards vers chaque jument

Les juments sont toutes passé deux fois, une fois en tant que mère et une fois en tant que jument familière, et cela, de façon aléatoire.

Résultats

Dans un premier temps, les données sont analysées sans distinction du sexe des poulains.

La première jument approchée par ¾ des poulains a été leur propre mère (p<0.01) et cela même quand on distingue les pouliches (p = 0.04) et les poulains séparément (p = 0.02). Ils ont senti leur mère plus longtemps que la jument familière (p = 0.01) et ont lancé plus de regards à leur mère.

De manière plus spécifique, le comportement des pouliches a été plus marqué que ceux des poulains : regards plus fréquents vers la mère, exploration olfactive plus longue, plus de temps passé à proximité.

Discussion

Les poulains sevrés artificiellement choisissent leur mère en premier, et la sentent plus longtemps que la jument familière : les auteurs concluent qu’ils font la différence entre les deux adultes, et montrent une préférence envers leur mère. C’est donc qu’ils la reconnaissent, même 5 mois après la séparation !  

Cela montre que les chevaux ont une mémoire à long terme pour reconnaître leurs congénères et suggère que le lien mère/poulain reste fort, particulièrement chez les pouliches. Ce lien particulier entre mère et fille est également retrouvé chez les brebis. Les scientifiques relient cela au fait que dans les groupes sociaux, les femelles bénéficient plus longtemps de l’apprentissage social de leur mère. 

Pour conclure, les auteurs se posent la question de la pertinence d’un sevrage artificiel (prématuré) à 5-7 mois comme il est couramment pratiqué en élevage. 

NDLR : ce questionnement semble un peu en décalage par rapport aux résultats de l’étude. En effet, les scientifiques n’ont pas comparé différentes durées de sevrage entre elles, mais ont testé la mémoire sociale des poulains.

Cette étude s’est portée sur un groupe de poulains Welsh (15 pouliches et 19 poulains). De leur naissance à leur sevrage, les poulains vivent ensemble avec leurs mères au pré. Ils sont ensuite sevrés artificiellement au mois de décembre, à environ 7 mois et séparés complètement du troupeau des juments (mère et juments familières) pendant 5 mois. Les mères et les poulains sont alors installés dans deux écuries (séparées de 3 km) avec un accès libre à un paddock.

Les deux groupes sont nourris au foin à volonté plus une distribution de granulés concentrés deux fois par jour. Au printemps, ils sont tous mis au champ, toujours avec une distance de 3 km entre le champ des poulains et celui des mères. Les poulains comme les mères sont manipulés régulièrement pour les soins courants (alimentation, vermifugation, vaccins…).

La veille du test, le groupe des poulains et le groupe des mères sont déplacés vers deux stabulations séparées donnant sur un paddock à 100 mètres l’un de l’autre sans pouvoir se voir.

Les juments familières étaient dans le groupe de naissance des poulains et ils ont passé autant de temps avec elles qu’avec leurs mères.

Tableau 1. Durée ou nombre médian des comportements du poulain envers sa mère ou une jument familière lors d’un test de préférence.

Comportement dirigé envers
Paramètres comportementauxMère
Mediane [Q1, Q3]
Jument familière
Mediane [Q1, Q3]
P value
Nombre de regards33.5 [21.0, 46.0]27.5 [10.0, 44.0]0.07
Durée (en seconde) d’exploration olfactive (s)5.50 [2.00, 9.00]3.00 [1.00, 4.00]<0.01
Durée (en seconde) de snapping (s) 1.00 [0.00, 5.00]1.00 [0.00, 6.00]0.16
Temps passé (en seconde) dans la zone de contact (s) 45.0 [33.0, 89.0]51.0 [31.0, 77.0]0.71

Note : Les résumés publiés sur le site Sciencesequines.fr sont issus d’études scientifiques qui sont parues dans des revues officielles et qui n’engagent que leurs auteurs. Nos rédacteurs.trices peuvent parfois y ajouter des commentaires qui sont systématiquement annoncés par le sigle NDLR (Note de la rédaction).

  • Cet article a été résumé par Charlotte Becht et relu par Lucie Chazallon, Nancy Rebout, Juliane Demellier et Sarah Leturmy.
  • Les illustrations sont de Lucie Chazallon.
  • La photo d’illustration provient de Pixabay

Référence complète de l’article

Lansade, L., Lévy, F., Parias, C., Reigner, F. & Górecka-Bruzda, A. (2022). Weaned horses, especially females, still prefer their dam after five months of separation. Animal 16: 100636.

Quelques références intéressantes citées dans l’article

Crowell-Davies, S.L., Weeks, J.W. (2005). Maternal behaviour and mare-foal interaction. In The domestic horse. The evolution, development and management of its behaviour (ed. Mills, D. and McDonnell, S.), Cambridge University Press, Cambridge, UK, pp. 126–138. Crowell-Davis, S.L., 1986. Spatial relations between mares and foals of the Welsh pony (Equus caballus). Animal Behaviour 34: 1007–1015