introduction
La vue est l’un des sens principaux grâce auxquels les chevaux perçoivent leur environnement et s’y adaptent. Pourtant, de nos jours, la couleur utilisée pour démarquer les sauts sur les champs de course est uniquement fondée sur une perception humaine. Nous voyons mieux la couleur orange, et c’est donc cette couleur qui est incorporée aux obstacles. Or, les accidents sur les courses d’obstacles sont fréquents : la British Horseracing Authority recense en moyenne 176 chevaux morts entre 2012 et 2017 sur un champ de course, la majorité sur des courses d’obstacles.
Dans le même temps, les questions du bien-être et de la sécurité des animaux prennent plus d’ampleur. Il est donc particulièrement pertinent de se pencher sur l’amélioration de la sécurité des chevaux de course, notamment lors des disciplines impliquant des sauts, et ce d’autant plus que les sports hippiques sont les plus regardés dans le monde.
Il est désormais possible non seulement de déterminer quelles couleurs sont les plus visibles pour les chevaux en fonction de la luminosité ambiante et des conditions météorologiques, mais aussi d’observer quels changements d’attitude un cheval peut montrer lors d’un saut selon les couleurs utilisées sur les obstacles.
Paul et Stevens ont donc exploré deux questions : comment les chevaux perçoivent-ils les couleurs ? À quel niveau ces différentes couleurs pourraient influencer les sauts effectués ?
Méthode
1. Perception des couleurs
Les chevaux ont une vision dichromatique, et voient donc mieux le bleu et le jaune. Mais qu’en est-il dans le contexte d’un champ de course ?
Il y a trois parties essentielles dans un obstacle de course pour cette étude :
- La barre d’appel, à la base de l’obstacle ;
- Le midrail, au milieu ;
- Le haut de l’obstacle.
Traditionnellement, la barre d’appel et le midrail sont orange (Fig. 1). Pour cette étude, Paul et Stevens ont peint différentes planches de bois à placer en barre d’appel et ont utilisé du nylon coloré pour le midrail afin de tester la visibilité et le contraste de différentes couleurs et luminances (mat ou brillant).

Paul et Stevens ont donc pris 131 photos d’obstacles sur 11 hippodromes britanniques. Elles ont toutes été prises à une distance de 32 mètres de l’obstacle, soit quatre foulées de galop et un appel, à divers moments de la journée où les courses ont généralement lieu, sous diverses conditions météorologiques et avec différentes couleurs. Ils ont converti ces photos en vision du cheval par traitement informatique pour déterminer quelles couleurs et luminances étaient les plus sensibles pour les chevaux.
2. Profil des sauts effectués selon les couleurs de l’obstacle
Quatorze chevaux montés par deux jockeys professionnels ont effectué deux séries de sauts : la première sur deux obstacles orange, comme ils le sont actuellement sur les hippodromes, et la deuxième série sur un obstacle orange et un obstacle de couleur déterminée plus visible dans la première phase de l’étude : jaune fluorescent, bleu vif ou blanc. Afin d’éviter un effet d’ordre, les couleurs sont disposées de manière aléatoire. Les chercheurs ont en tout six combinaisons possibles (Fig. 2)

Chaque saut a été enregistré pour en analyser les paramètres (hauteur, longueur, angles d’appel et de réception) en détails.
Résultats
1. Perception des couleurs.
Paul et Stevens observent trois couleurs plus visibles pour les chevaux : le jaune fluo, le bleu vif et le blanc.
Le jaune fluorescent a le contraste de couleur et de luminance le plus élevé avec l’environnement derrière l’obstacle (végétation, ciel, tribunes…). Cependant en fin de journée le bleu vif et le blanc ont un contraste plus marqué que le jaune fluorescent.
Le contraste est maximisé par des blancs ou des bleus très lumineux à la base de l’obstacle et un jaune fluorescent sur le midrail.
2. Profil des sauts effectués selon les couleurs de l’obstacle
- Avec la couleur bleue, les chevaux sautent plus en hauteur et se réceptionnent plus près de l’obstacle.
- Avec la couleur blanche, ils font un saut plus long et plus proche de l’obstacle.
- Avec la couleur jaune, ils se réceptionnent plus près de l’obstacle.
La réception plus proche de l’obstacle est corrélée à plus de sécurité pour les chevaux, tandis qu’un saut plus long que haut permet plus de vitesse, et c’est donc un profil de saut plus courant sur les courses hippiques.

Conclusion
Paul et Stevens concluent de leur étude qu’il serait bénéfique pour la sécurité et la performance des chevaux de remplacer la couleur orange des haies et obstacles de courses hippiques par du jaune fluorescent sur le midrail et du bleu vif ou du blanc en barre d’appel. Ceci aiderait les chevaux à mieux anticiper leurs sauts, sans créer un profil “en cloche” qui ferait pâtir leur performance.
Ils suggèrent aussi de prendre en compte d’autres paramètres dans une prochaine étude, à savoir la cognition, l’apprentissage, les expériences passées et l’état physiologique.

