Les chevaux sont-ils plus réceptifs à la friandise ou aux caresses ?

Auteurs et date de l’article scientifiqueSankey et al., 2010
Date de publication du résumé8 août 2018

Photo d'une personnes caressant un cheval

Résumé

Cet article de Sankey et al analyse les effets du renforcement par la nourriture et par le pansage sur le processus d’apprentissage du cheval et son attachement à l’humain. Des scientifiques ont déjà prouvé que la nourriture favorise l’attachement des animaux. Par exemple, le processus d’allaitement renforce positivement le lien affectif maternel. Qu’en est-il du contact tactile ?

Et voici la réponse à cette question en vidéo, un nouveau format qui devrait vous plaire !

Méthode

Cette étude a été menée sur un groupe de 20 chevaux de race Konik âgés de 1 à 2 ans. 12 ont été élevés de manière conventionnelle, mais avec un contact à l’homme limité ; 8 sont nés et ont grandi dans des troupeaux semi-sauvages jusqu’à 10 mois. Ces chevaux sont répartis aléatoirement dans deux groupes de 10 chevaux. Les chevaux du premier groupe sont récompensés avec de la nourriture alors que les chevaux du 2ème groupe sont récompensés par 3 gestes vigoureux de grattage du garrot.

L’effet du renforcement sur l’apprentissage est testé sur l’apprentissage de l’immobilité : les chevaux doivent apprendre à rester immobile pendant une durée de 5 à 60 secondes en réponse à l’ordre « Reste ! ». Les scientifiques mesurent le temps maximum de validation des étapes et le temps maximum d’immobilité du cheval.

L’effet du renforcement sur la relation homme-cheval est testée lors d’interactions libres : les chevaux peuvent interagir librement avec un humain immobile au centre de l’écurie pendant 5 minutes. Les données collectées sont le temps mis pour approcher l’humain et le temps total passé à une distance inférieure à 0,5 m de l’homme.

Figure 1 - Illustration du protocole : Les chevaux sont séparés en deux groupes, le 1er groupe est récompensé par de la nourriture, le 2ème par le grattage au garrot.
Figure 1 – Illustration du protocole

Résultats

L’étude montre que les chevaux conditionnés à la nourriture apprennent plus vite et s’attachent plus à l’homme que ceux conditionnés aux caresses.
Le graphique ci-dessous montre que les chevaux récompensés à la nourriture restent plus longtemps immobiles et progressent plus vite que les chevaux récompensés par le grattage du garrot. En effet, le dernier jour, 9 des 10 chevaux récompensés à la nourriture étaient capables de rester immobiles pendant 1 minute, tandis que seulement 4 des 10 chevaux récompensés par trois « gratouilles » ont réussi.

Figure 2 : Durée maximale d’immobilité entre les chevaux récompensés par la nourriture et ceux récompensés par le grattage au fil des 6 jours. 
Figure 2 : Durée maximale d’immobilité entre les chevaux récompensés par la nourriture (FR = food-rewarded) et ceux récompensés par le grattage (GR = grooming-rewarded) au fil des 6 jours.  *P

Le deuxième graphique indique que l’entraînement a eu un impact positif sur la relation avec l’humain dans le groupe de chevaux récompensés à la nourriture en diminuant le temps de latence et en augmentant le temps passé près de l’humain. Ce n’est pas le cas pour les chevaux récompensés par le pansage, où il n’y a eu aucun impact positif.

Figure 2 : Durée maximale d’immobilité entre les chevaux récompensés par la nourriture et ceux récompensés par le grattage au fil des 6 jours. 
Figure 3 : Durée maximale d’immobilité entre les chevaux récompensés par la nourriture (FR = food-rewarded) et ceux récompensés par le grattage (GR = grooming-rewarded) au fil des 6 jours.  *P

Discussion

L’entraînement a eu un effet positif à la fois sur l’apprentissage et l’attachement à l’humain dans le groupe conditionné à la nourriture, contrairement au contact tactile.


Les auteurs expliquent que l’absence d’effet du contact tactile semble logique puisque pour les chevaux, le contact physique se résume au léchage du jeune cheval par sa mère et ensuite par le toilettage mutuel entre chevaux sur certaines zones spécifiques du corps. Le contact physique ne représente au total que 2 à 3% du budget-temps du cheval.


Cependant, il serait intéressant de reproduire cette expérience en période de mue, pendant laquelle le grattage pourrait être plus apprécié ; ou avec un grattage plus long et appuyé. L’étude ne précise pas si chaque groupe avait le même nombre de jeunes chevaux élevés de manière traditionnelle, et en semi-liberté. On peut se demander si ces conditions de « petite enfance » ont un impact sur les réactions des chevaux à la friandise et au grattage par l’homme.

Quel était le protocole exactement?

Les chevaux

Les sujets d’étude sont 20 chevaux Konik, race primitive descendant directement des Tarpans. 12 des 20 chevaux de l’étude vivent en conditions domestiques et les 8 autres vivent dans un environnement semi-naturel avec 1 600 hectares de forêts. À dix mois, les 8 chevaux semi-sauvages ont été rassemblés en groupe avec les 12 autres dans une stabulation libre afin de favoriser leurs conditions naturelles, comme le grattage mutuel du garrot, qui joue un rôle social positif. Les chevaux sont âgés d’un à deux ans lors de l’expérience. Ils n’ont eu aucun contact avec l’humain pendant l’étude, sauf pour la distribution de nourriture.

Les chevaux ont ensuite été répartis aléatoirement dans deux groupes de travail :

  • 10 chevaux font partie du 1e groupe récompensé par la nourriture (FR = food-rewarded). Les chevaux reçoivent un morceau de carotte quand ils répondent favorablement à la demande.
  • 10 chevaux font partie du 2e groupe récompensé par le grattage (GR = grooming-rewarded). Les chevaux reçoivent trois grattes sur le garrot quand ils répondent favorablement à la demande.

Hypothèses testées

Les chercheurs étudient le processus d’apprentissage et l’attachement à l’humain.

  • Au niveau de l’apprentissage, le cheval apprend à rester immobile pour une durée croissante de 5 à 60 secondes en réponse à l’ordre « Reste ! ». Les chevaux sont entraînés 5 minutes par jour pendant 6 jours. Le groupe reste attaché dans les écuries face au mur avec du foin à volonté, tandis que l’entraînement se passe au centre de l’écurie. Afin de distraire l’attention des chevaux restés attachés des ordres donnés oralement au cheval testé, des bruits parasites sont générés par deux radios placées aux deux extrémités de l’écurie face aux chevaux. A la fin de la journée, les chevaux sont relâchés dans un paddock extérieur adjacent.
  • Au niveau de l’attachement à l’humain, un test d’immobilité humaine a été effectué avant et après l’apprentissage pour évaluer les relations humain-animal. Ce test permet aux chevaux d’interagir librement avec un humain immobile au centre de l’écurie pendant 5 minutes.
Figure 1 - Illustration du protocole : Les chevaux sont séparés en deux groupes, le 1er groupe est récompensé par de la nourriture, le 2ème par le grattage au garrot.
Figure 1 – Illustration du protocole

Des statistiques non paramétriques ont été utilisées : Mann-Whitney U-tests (MW) pour comparer les groupes entre eux et les tests de Friedman (F) et Wilcoxon (W) pour évaluer la progression de chaque groupe. Ces analyses ont été réalisées avec le logiciel Statistica© 7.1 (p<0,05).

Quels sont les résultats ?

Une différence nette entre les deux groupes testés a été observée à la fois au niveau de l’apprentissage et de la relation avec l’homme.

Pour l’apprentissage

Le dernier jour, 9 des 10 chevaux récompensés à la nourriture étaient capables de rester immobiles pendant 1 minute, tandis que seulement 4 des  10 chevaux récompensés au grattage ont réussi.
De plus, la progression dans le groupe récompensé à la nourriture n’a cessé de croître, tandis que dans le groupe récompensé au grattage, il y a seulement eu une progression les deux premiers jours, qui s’est suivie d’une stagnation. Les chevaux récompensés à la nourriture restent donc plus longtemps immobiles que ceux récompensés au pansage, comme observé sur le graphique ci-dessous.

Figure 2 : Durée maximale d’immobilité entre les chevaux récompensés par la nourriture et ceux récompensés par le grattage au fil des 6 jours. 
Figure 2 : Durée maximale d’immobilité entre les chevaux récompensés par la nourriture (FR = food-rewarded) et ceux récompensés par le grattage (GR = grooming-rewarded) au fil des 6 jours.  *P

Pour la relation à l’homme

L’entraînement a eu un impact positif sur la relation avec l’humain dans le groupe de chevaux récompensés à la nourriture, contrairement à celui de chevaux récompensés par le grattage où il n’y a eu aucun impact positif sur l’attachement à l’humain. En effet, le temps de latence est plus court et le temps passé près de l’humain plus élevé dans le groupe récompensé par la nourriture suite à l’entraînement, ce qui n’est pas le cas dans l’autre groupe.

Figure 2 : Durée maximale d’immobilité entre les chevaux récompensés par la nourriture et ceux récompensés par le grattage au fil des 6 jours. 
Figure 3 : Durée maximale d’immobilité entre les chevaux récompensés par la nourriture (FR = food-rewarded) et ceux récompensés par le grattage (GR = grooming-rewarded) au fil des 6 jours.  *P

Le renforcement par la nourriture a donc un impact positif à la fois sur l’apprentissage et sur l’attachement à l’homme, contrairement au renforcement par le grattage.

Note : Les résumés publiés sur le site Sciencesequines.fr sont issus d’études scientifiques qui sont parues dans des revues officielles et qui n’engagent que leurs auteurs. Nos rédacteurs.trices peuvent parfois y ajouter des commentaires qui sont systématiquement annoncés par le sigle NDLR (Note de la rédaction).

  • Cet article a été résumé par Aline Hansen et a été relu par Marlène Alibert, Laurence et Marine Junod.
  • Les illustrations sont de Claire Béjat.
  • La photo d’illustration appartient à Rex Pickar.
  • Cet article a été édité par Stéphanie Ronckier.

Référence complète de l’article

Sankey, C., Henry, S., Gorecka-Bruzda, A., Richard-Yris, M.A. & Hausberger, M. (2010). The Way to a Man’s Heart Is through His Stomach: What about Horses? PLoS One, 5(11), e15446.

Bibliographie citée par l’article

Hausberger, M., Henry, S., Larose, C., Richard-Yris, M-A. (2007). First Suckling: A Crucial Event for Mother–Young Attachment? An Experimental Study in Horses (Equus caballus). J Comp Psy, 121(1), 109–112.

Feh, C., de Mazières, J. (1993). Grooming at a preferred site reduces heart rate in horses. Anim Behav, 46, 1191–1194.

Sankey, C., Richard-Yris, M-A., Leroy, H., Henry, S., Hausberger, M. (2010). Positive interactions lead to lasting positive memories in horses. Equus caballus. Anim Behav, 79, 869–875.

Sankey, C., Richard-Yris, M-A., Henry, S., Fureix, C., Nassur, F., et al. (2010). Reinforcement as a mediator of the perception of humans by horses (Equus caballus). Anim Cogn. 13, 753–764.

Feh, C., Mills, D., McDonnell, S. (2005). The Domestic Horse. Cambridge: Cambridge University Press. Relationship and communication in socially natural horse herds.

Hausberger, M., Roche, H., Henry, S., Visser, E. (2008). A review of the human–horse relationship. Appl Anim Behav Sci. 109, 1–24.

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