Introduction
Naturellement, les groupes familiaux de chevaux se composent d’un étalon (ou plus rarement de l’association de deux), de plusieurs femelles et de plusieurs jeunes jusqu’à l’âge de deux ans environ. La présence de l’étalon, au-delà de son rôle de reproducteur, permet d’assurer la sécurité du groupe en repoussant les attaques de prédateurs et les agressions d’autres mâles. Il gère également les conflits entre les femelles et assure ainsi la stabilité du groupe. Les interactions sont donc nombreuses entre les adultes.
Par contre, peu d’études se sont penchées minutieusement sur les relations entre l’étalon et les poulains du groupe. L’étalon a-t-il un rôle d’éducateur auprès de sa descendance ou y est-il complètement indifférent ? K. Šandlová et ses collaborateurs ont suivi deux groupes familiaux de poneys Exmoor pour observer en détail les interactions étalons – poulains et les comparer aux interactions des poulains avec les autres membres du groupe.
Méthode
Deux groupes familiaux de poneys Exmoor sont constitués un an en amont de l’étude, chacun dans une réserve de République tchèque. Les groupes vivent en autonomie, les interventions humaines sont rares mais les projets d’étude fréquents, rendant habituelle la présence d’humains à proximité.
À partir de la saison de poulinage, plusieurs sessions d’observation sont étalées sur 7 mois (Tableau 1).
Tableau 1. Constitution des groupes et éléments du protocole.

Un observateur placé entre 5 à 10 mètres des poneys répertorie toutes les interactions entre les individus(Tableau 2) et note quel animal initie l’interaction et qui en est le destinataire. Les poneys sont identifiés individuellement d’après leurs caractéristiques physiques (robe, taille, crins, marques…).
Tableau 2. Les comportements relevés selon le type d’interaction observée.

Ces données sont ensuite analysées pour quantifier les interactions selon leur catégorie et selon les individus impliqués : poulain ou pouliche, étalon, mère ou une autre femelle du groupe. La fréquence des interactions est également mesurée au fil du temps pour déterminer s’il y a des variations selon l’âge des poulains.
Résultats
De façon générale, les poulains adressent aux adultes significativement plus de comportements amicaux (38,9%) et de snapping (38,9 %) que de comportements de jeu (19,2%) ou agonistiques (10,9%), p-value p < 0,001. Les comportements agonistiques sont plus souvent adressés à d’autres poulains.
La cible adulte favorite des poulains est l’étalon, à qui les jeunes adressent plus de comportements amicaux et de jeu qu’aux femelles du groupe (Figure 1).

En retour, l’étalon apparaît plus tolérant envers les jeunes que les femelles du groupe (mère comprise). Quoique rarement, il peut même initier le jeu avec les jeunes mâles (Tableau 3).
Tableau 3. Proportion des comportements agonistiques et amicaux initiés par les différents adultes du groupe envers les poulains (p < 0,001).

Toutefois, les mères et l’étalon sont moins agressifs et plus amicaux envers les pouliches qu’envers les poulains (p < 0, 002).La fréquence des interactions sociales entre un poulain et les adultes évoluent dans le temps : elle augmente jusqu’à ses deux mois environ puis se réduit progressivement jusqu’à ses 6 mois.
Discussion
Cette étude est la première recherche complexe s’intéressant aux liens entre l’étalon et ses poulains tout en tenant compte de l’ensemble des individus du groupe familial.
Le fait que les mères et les autres juments repoussent les sollicitations des poulains pourrait expliquer l’intérêt des jeunes envers l’étalon qui, à l’inverse des femelles, interagit de façon plus tolérante avec eux. L’étalon semble faire figure de modèle social particulièrement pour les jeunes mâles.
Bien entendu, il faut replacer l’étude dans son contexte : un milieu sans risque de prédation, sans compétition d’autres mâles célibataires et avec seulement deux groupes familiaux observés. D’autres études sont donc nécessaires pour comprendre l’importance de la présence de l’étalon dans les premiers mois de vie des jeunes, que ce soit en milieu sauvage ou domestique. Enfin, dans les groupes de chevaux participant à des projets de réintroduction en milieu naturel, il apparaît primordial particulièrement pour les jeunes mâles de bénéficier de la présence de leur père pour apprendre à devenir de jeunes adultes compétitifs dans leur vie future.



