Introduction
La domestication d’une espèce a pour effet de modifier certains comportements observés en milieu naturel. Par exemple, l’agressivité liée à la compétition pour accéder à une ressource est réduite du fait d’un environnement plus favorable à chaque individu. Les étalons domestiques connaissent des conditions de vie complètement différentes des chevaux sauvages : sevrage à 5 ou 6 mois, isolement en box ou vie en groupe avec d’autres poulains de même âge. En milieu naturel, les poulains grandissent, jusqu’à leur 2 ans environ, dans le groupe familial composé d’individus d’âges et de sexes différents.
En comparant un groupe d’étalons sauvages (Equus przewalskii) à un groupe d’étalons domestiques (Equus caballus), J.W. Christensen et ses collaborateurs cherchent à savoir si la domestication modifie les comportements sociaux.
Méthode
Deux groupes d’étalons, domestiques (âgés de 2 ans) et de Przewalski (âgés entre 2 et 13 ans), sont observés chacun dans leurs conditions de vie habituelles, domestiques (figure 1a) ou naturelles (figure 1b).
72 heures d’observation directe par groupe permettent de relever les comportements sociaux (Tableau 1) et 12 heures supplémentaires permettent de relever les distances entre les individus. Les données sont ensuite comparées entre les deux groupes pour déterminer s’il y a des différences et en quelle proportion.


N.B. : dans les deux protocoles, l’absence de jument à proximité et l’abondance de l’herbe et de l’eau excluent toute compétition d’ordre sexuel ou alimentaire. Les conditions climatiques des deux pays aux périodes d’observation sont sensiblement identiques.
Tableau 1. Répertoire comportemental utilisé.

NDLR : les termes choisis par les auteurs pour décrire les comportements sont parfois imprécis. Ainsi, “déplacement” peut être compris soit du point de vue de celui qui menace et donc qui provoque le déplacement d’un congénère, soit du point de vue de celui qui reçoit le message de menace et décide d’éviter le conflit en se déplaçant.
Résultats
Tous les comportements sont observés dans les deux groupes mais en proportion plus importante dans le groupe de Przewalski.
Les étalons de Przewalski ont significativement plus recours aux menaces de ruade et aux ruades (p-value p = 0,001) mais ont aussi plus tendance à se déplacer (p = 0,057), évitant ainsi les conflits.
Les étalons domestiques tendent à avoir plus recours au snapping (p = 0,055) et aux bousculades (p = 0,016) que les Przewalski. Ils montrent également significativement plus de comportements de flairage nasal (p < 0,005) et corporel (p < 0,001), tandis que les Przewalski reniflent plus les régions génitales (p < 0,001).
Le jeu tend à être plus présent chez les Przewalski que chez les chevaux domestiques (p = 0,06).
Le toilettage mutuel est observé significativement plus chez les Przewalski (p = 0,004).
Enfin, les distances entre les individus sont significativement plus courtes (moins de 1, 5 m) dans le groupe de Przewalski que dans le groupe domestique (p < 0,001).
Discussion
Cette étude met en lumière que, malgré l’intervention humaine, les comportements sociaux connus chez les étalons sauvages s’expriment aussi chez les étalons domestiques, mais parfois dans des proportions différentes. Plusieurs facteurs environnementaux ou liés aux conditions de l’étude, peuvent expliquer des différences quantitatives de certains comportements : la présence d’insectes sur le toilettage mutuel et sur les distances entre les individus, ou encore une hiérarchie plus claire dans le groupe sauvage (constitué il y a 1 mois) impliquant plus de déplacements évitant les agressions et moins de snapping.
NDLR : L’isolement social qu’implique le mode de gestion actuel des étalons en box individuel va à l’encontre de leur bien-être. Lors de la présente étude, aucune blessure n’est à déplorer dans les groupes lors de la mise pâture, qui apparaît donc possible sans risque pour les individus, à la condition qu’aucune compétition d’ordre sexuel ou alimentaire ne soit suscitée dans l’environnement.


